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Protéger l'eau potable : quelles actions préventives ?

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Comment continuer d'alimenter en eau potable de qualité toutes les populations à horizon 2050 ? Pour y parvenir, dans un contexte de changement climatique, les actions préventives de protection de la ressource sont plus que jamais indispensables. Illustration sur le bassin de la Charente.

A Saint-Hippolyte en Charente-Maritime, l'usine Lucien Grand traite 13 millions de mètre cube d'eau par an. Elle est la plus grande usine de traitement des eaux du département, eaux qu'elle prélève pour les deux tiers dans des ressources souterraines et pour un tiers dans les eaux de surface du fleuve Charente, très vulnérables aux pollutions issues des activités agricoles, industrielles ou domestiques. 

L'usine Saint-Hippolyte joue un rôle essentiel pour alimenter la façade littorale en eau potable, particulièrement l'été, lorsque l'afflux touristique multiplie par quatre la consommation d'eau quotidienne dans certains secteurs géographiques, comme sur l'île de Ré où elle passe de 4000 m3 à 17 000 m3 par jour.

« Tourisme : les pieds dans l'eau ? »

Une potabilisation complexe... et coûteuse

Ici, pour devenir propre à la consommation humaine, l'eau passe par une série de traitements différents, qui éliminent matières, nitrates, pesticides, virus et bactéries pathogènes : clarification, filtration par filtre à sable, traitement au charbon, désinfection... Plus la ressource est dégradée, plus la complexité du processus renchérit le coût de la potabilisation :  en France, le coût de potabilisation lié aux nitrates et aux pesticides est estimé entre 46 et 80 centimes d'euros par mètre cube, selon le Commissariat Général au Développement Durable & l'Observatoire national des services d’eau et d’assainissement[1] . 

« L'eau potable sous haute protection »

Or, la perspective de l'accélération du dérèglement climatique accroît la pression sur la ressource. Comme l'explique Denis Minot, directeur général des services du syndicat Eau 17 "nous pourrions faire face à un déficit de la disponibilité de la ressource en eau, lié à la dégradation de sa qualité : si le même flux de polluants contamine un volume d'eau plus faible, les concentrations de polluants augmentent mécaniquement. "

La solution ? Limiter la pollution de la ressource et restaurer sa qualité.

Les points de captages de l'eau : une protection réglementaire

En France, les points de captage de l'eau potable sont protégés : certaines installations, travaux, activités, ouvrages, etc. à proximité de ses points et sur leur aires de captages sont soit interdits, soit réglementés strictement, pour limiter les pollutions ponctuelles et accidentelles et limiter les pollutions diffuses.

Mais les pollutions aux nitrates sont complexes, héritées de décennies d'épandage : ils restent dans le sol, sont entraînés par ruissellement lors des pluies et contaminent progressivement les nappes. C'est pourquoi, aux protections réglementaires s'ajoutent des programmes d'actions locaux, pour transformer les pratiques agricoles sur le long terme et restaurer la qualité de l'eau.

Le programme Re-sources en Nouvelle Aquitaine

La concertation au service de la protection de l'eau potable

Sur le territoire de l'ex région Poitou-Charentes, la reconquête a démarré dans les années 2000, avec la création du programme Re-Sources, un programme multipartenarial, cofinancé par la Région Nouvelle Aquitaine et les Agences de l'eau Adour-Garonne et Loire-Bretagne. A son lancement, les taux de nitrates en constante augmentation dans les eaux superficielles comme souterraines menaçaient la potabilité de l'eau, la vulnérabilité des sols et sous-sols n'arrangeant rien sur un territoire très marqué par l'agriculture.

Le programme Re-sources vise la transformation des pratiques sur les aires de captages de l'eau potable. Il a pour particularité d'adapter les actions à chaque captage, en travaillant en concertation avec tous les acteurs locaux, notamment ceux du monde agricole et de l'eau.

L'exemple de l'aire de captage de la source de Moulin Neuf (Saint-Fraigne)

L'aire de captage de la source de Moulin Neuf a fait partie des premières à rejoindre le programme Re-Sources. Très vulnérable aux pollutions, la source se composait à l'origine d'eaux superficielles prélevées par captage. La présence de nitrates en quantité trop importante a conduit à créer un forage profond à 519 m sous terre, pour compléter le captage et diluer les eaux.  Mais cette réponse a apporté aussi son lot de problèmes, puisque l'eau du forage est trop chaude et trop ferrugineuse. 

Les traitements se sont multipliés : il faut rétablir un bon équilibre physico-chimique de la ressource, et bien sûr la dépolluer. "Sans nitrate et sans pesticide, le traitement de l'eau sur le captage de Moulin Neuf serait beaucoup plus simple", indique Marine Tallon, animatrice-coordinatrice du programme Re-Sources au sein du Syndicat Intercommunal d'alimentation en eau potable Nord-Ouest Charente (SIAEP NOC).

Depuis les années 2000, le programme Re-sources vise à limiter la pollution en amont, sur toute l'aire de captage de la source. Elle connaît actuellement son troisième programme (2019-2023). Ici, les actions sont animées par le SIAEP et Charente Eaux. Le volet agricole du programme comprend des mesures de couverture des sols, de certifications environnementales et d'accompagnement des pratiques agroenvironnementales sur des zones sensibles, tandis qu'un volet non-agricole prévoit des actions de sensibilisation et d'information des publics.

Aujourd'hui, les résultats sont tangibles : "On n'a plus de dépassement en pesticides depuis 2005, et on ne détecte pas de molécules phytosanitaires lors de certaines campagnes de prélèvements", relève Marine Tallon. Pour les nitrates, l'évaluation est plus difficile, compte-tenu du mélange entre eaux anciennes et eaux récentes. "Dans les eaux récentes, les apports de nitrates ont diminué", note toutefois Marine Tallon. Les principales évolutions sont surtout visibles dans le paysage : les pratiques agricoles évoluent, dans le bon sens pour l'eau.

« Comment protéger les captages d'eau potable ? »

Les actions agricoles du programme Re-sources pour préserver l'eau :

  • développer les infrastructures agroécologiques (haies, zones humides, couverts environnementaux, etc.)
  • développer des systèmes de culture écologiquement performants (agriculture de conservation, couverture des sols, agriculture biologique, développement de nouvelles filières, etc.)

 

Les outils du programme Re-sources :

  • la formation, l'information, la sensibilisation
  • le soutien financier, les aides directes aux agriculteurs
  • l'accompagnement à l'installation
  • la mise en place de stratégie foncière.

 

Indispensable prévention

Etabli en 2020 sur l’aire des captages de Coulonge et Saint Hippolyte, un premier bilan de ce programme Re-¤¤sources¤¤ montre une dynamique positive sur le fleuve Charente : la mobilisation des acteurs, l'augmentation du nombre de surface engagées en mesures agroenvironnementales ou encore une augmentation des investissements dans des outils et méthodes de travail agricoles plus vertueux constituent des signaux encourageants. Le renouvellement du programme sur la période 2022-2026 prévoit des actions encore plus ambitieuses, pour poursuivre le travail engagé et préserver l'eau potable

Plus largement, à l'échelle du bassin Adour-Garonne, entre 2013 et 2018, près de 30 millions d'euros d'aides par an ont été consacrés à l'eau potable. La reconquête de la qualité des eaux fait partie des grandes priorités de l'agence de l'eau Adour-Garonne et passe par la protection préventive en appui indispensable de toute démarche curative.

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