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"la gestion de l’eau de demain ne sera pas celle d’hier, ni celle d’aujourd’hui"

#119

Interview d'Eric SAUQUET, hydrologue, Directeur de Recherche, Chef de Département Adjoint "Hydrosystèmes et risques naturels" du département AQUA à l'Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation 
et l’environnement (INRAE).

Pourriez-vous nous expliquer quels sont les changements observés sur le cycle de l’eau en Adour-Garonne ?

Sur le bassin Adour-Garonne, nous avons la chance de disposer d’historiques de mesures de débits, notamment sur la Garonne depuis le début du XXe siècle. De manière rétrospective, leur analyse statistique montre une tendance à la diminution progressive des débits annuels de la Garonne.

Ailleurs, des changements statistiquement significatifs sur la période 1968-2020 ont pu être relevés sur des débits d’étiages estivaux - entre - 3 et  - 27% - sur un ensemble de 56 têtes de bassin versant pourtant peu influencé par les actions humaines.

Dans quelles mesures ces changements sont-ils imputables au changement climatique ?

Les tendances sur les débits sont cohérentes avec la hausse de la température, de l’évaporation et de la demande en eau des plantes constatées sur la période 1958-2020, donc a priori avec le changement climatique.

L’assurance d’une cause uniquement climatique à ces changements n’est pour autant pas garantie sur l’ensemble des bassins versants et notamment sur le fleuve Garonne. Les activités humaines provoquant une augmentation progressive des consommations en eau dans le bassin versant contribuent, en partie, aux tendances à la baisse.

Que nous annoncent-ils ? Est-ce une surprise ?

Ces tendances avaient déjà été perçues dans une étude nationale qui mettait en évidence une différence dans les impacts du changement climatique entre le nord et le sud de la France : de nombreuses baisses significatives des débits sur la ressource superficielle observées dans la moitié sud et, en revanche, une absence de changements dans la moitié nord.

Ces changements ne peuvent pas être extrapolés pour projeter le futur. Il faut noter qu’ils sont cohérents – en termes de signe du changement - avec les simulations du climat et de l’hydrologie sur ce secteur pour le XXIe siècle. Aussi, ces projections nous invitent à anticiper une réduction significative de la disponibilité en eau.

En quoi ces connaissances peuvent-elles permettre d’adapter nos politiques et nos actions à ces nouveaux enjeux ?

Ces connaissances montrent, s’il fallait s’en convaincre, que le changement climatique est en action et nous en percevons d’ores et déjà des signes sur l’hydrologie. Les changements récents en termes de température ne sont rien par rapport à ce qui nous attend dans les prochaines décennies, donc les changements sur le régime hydrologique seront plus importants que ceux constatés aujourd’hui.

Ces premières modifications nous alertent sur la nécessité de changer les pratiques vis-à-vis de l’eau et rappellent que la gestion de l’eau de demain ne sera pas celle d’hier, ni celle d’aujourd’hui.