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Le bassin de la Charente, une illustration des enjeux du lien terre-mer

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Partout dans le monde, 80 % des pollutions dans l'océan proviennent des activités terrestres. Que fait-on aujourd'hui pour garantir la qualité des eaux littorales ? Comment anticiper les conséquences du changement climatique sur ces écosystèmes très mouvants ?

3000 hectares de parcs conchylicoles sur le littoral, entre 300 et 350 millions d'euros de chiffre d'affaires et une activité génératrice de retombées pour tout un territoire : la conchyliculture pèse dans le paysage économique de la Charente-Maritime.  Cette activité dépend fortement de la qualité de l'eau douce qui arrive de l'amont pour se jeter dans l'océan. Huîtres et coquillages, pendant leur croissance, se nourrissent de nutriments, de phytoplancton, présents dans l'eau douce "héritée" de l'amont.

Quand les activités terrestres ont un impact sur le littoral

Philippe Morandeau, président du CRC de Charente-Maritime, explique les conséquences de cette dépendance : "La conchyliculture nécessite de l'eau douce en quantité et en qualité suffisante. S'il y a trop d'eau douce captée en amont, elle manquera aux conchyliculteurs. Et si les eaux qui arrivent sont contaminées par des pollutions anthropiques, nous sommes confrontés à un risque sanitaire important pour l'homme, ce qui entraîne des fermetures d'activités, pour des durées parfois indéterminées". 
 

Un milieu littoral à la fois riche et fragile

Virus et bactéries difficiles à éliminer par les stations d'épuration contaminent les coquillages, la présence de nitrates peut engendrer des proliférations d’algues indésirables,  et la présence de résidus de produits phytosanitaires dégrade la qualité de l’eau.

Parce que l'eau de mer y rencontre l'eau douce, parce que la marée entraîne des fluctuations des mêmes eaux aux mêmes endroits, la zone de l'estuaire de la Charente oscille sur des équilibres fragiles. Cette instabilité des eaux crée la richesse du milieu. Une richesse qui s'étend au-delà de la frange côtière où se côtoient conchyliculture et tourisme, sur les zones humides de l'aval de la Charente tels que le marais de Brouage qui accueille biodiversité et activités d'élevage.  

Mais cette instabilité de la zone littorale la rend aussi fragile, surtout quand s'y ajoutent les transformations induites par le changement climatique. Sans solidarité sur le bassin, dans le contexte qui sera celui du fleuve Charente en 2050, les eaux littorales sont menacées. 

Organiser la solidarité : un enjeu complexe et des solutions qui restent à construire

La problématique est là : il est particulièrement complexe d'organiser la gestion de cette solidarité à l'heure actuelle. "Quand un agriculteur situé très en amont sur la Charente se dira qu'il laisse passer l'eau parce que la conchyliculture en a besoin en aval, on aura tout gagner", illustre Jean Prou, Vice-Président du Conseil Départemental de Charente-Maritime en charge de l'énergie de la mer et du littoral. Pour lui, l'enjeu est d'ordre "démocratique" : 

il faut réussir à mettre d'accord les différents usages et les différents usagers de l'eau, à la bonne échelle de gouvernance.

Jean Prou, Vice-Président du Conseil Départemental de Charente-Maritime en charge de l'énergie de la mer et du littoral

Au-delà de la gestion des prélèvements à l’échelle du bassin versant dans son ensemble, il est nécessaire de travailler à l’aménagement du bassin pour améliorer sa résilience et favoriser l’auto-épuration de l’eau (restaurations de zones humides, renaturation de cours d’eau, plantations de haies…)

La solidarité : un axe du plan Charente 2050

Organiser différemment la solidarité sur le bassin constitue le premier axe de travail du plan prospectif Charente 2050, un plan travaillé en concertation avec l'ensemble des acteurs du bassin pour anticiper les conséquences du changement climatique et trouver des solutions à activer dès aujourd'hui. Parmi les pistes d'adaptation explorées par Charente 2050 pour la solidarité sur le bassin se trouvent : 

  • une évolution de la gouvernance sur le bassin : pour plus de cohérence, pour mieux tenir compte des enjeux locaux, et pour apporter des réponses systémiques, plutôt qu'en silo, aux problématiques de l'eau.
  • mieux s'assurer du partage de la ressource, en commençant par mieux évaluer les besoins à l'échelle du grand bassin.
  • réfléchir à une péréquation d'une partie du prix de l'eau potable : l'idée étant que la solidarité passe aussi par le prix de l'eau.
  • Imaginer des modes de financements innovants pour accompagner les changements de pratiques et améliorer la solidarité entre usagers. En tenant compte, par exemple, de l'impact non négligeable du tourisme sur l'eau, sur un territoire dont la population double l'été avec l'arrivée des estivants.

A travers ces différentes propositions, qui restent à mettre en action, le bassin de la Charente illustre bien à son échelle les enjeux d'une indispensable solidarité, tout comme les difficultés rencontrées pour concilier les enjeux de tous les usages. L'eau, elle, ne connaît pas de frontière, de sa source à la mer : elle est plus que jamais un bien commun, pour tous. 
 

« Entre terre et mer : quelle eau ? »

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