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Bassin Adour-Garonne

Si la transition nous apparaît comme un effort, comme un sacrifice, je crains hélas que nous n’y arrivions jamais.

#140

François Gemenne, co-auteur du 6ème rapport du GIEC, politoloque et professeur à HEC Paris sera le grand témoin du Forum Eau & Qualité de vie organisé par l'Agence le 23 septembre prochain, à Bordeaux.

Il répond à nos questions autour des autour des enjeux de l'eau et de la transition.

À vos yeux, quels sont aujourd’hui les principaux obstacles à surmonter pour accélérer et amplifier la transition écologique ?

Ce n’est pas seulement une impression : on ne va pas assez vite. Nous avançons avec trois pas en avant, deux en arrière et un sur le côté, alors que le changement climatique pique un sprint. Et c’est pareil pour l’effondrement de la biodiversité. Le principal levier pour intensifier l’action, c’est la massification. Aujourd’hui, nous avons à peu près toutes les solutions en mains, mais elles ne sont pas encore suffisamment déployées à grande échelle. Et cela ne demande pas seulement des changements de comportements, c’est surtout une affaire de financements et de modèles économiques : comment faire en sorte que la transition soit rentable ? Pour cela, il faudrait notamment intégrer dans le prix des biens et services leur coût pour l’environnement. Mais beaucoup n’y sont pas prêts, à commencer évidemment par les industries fossiles.  

Si la transition nous apparaît comme un effort, comme un sacrifice, je crains hélas que nous n’y arrivions jamais.

Face au changement climatique, la question de l’eau concentre de multiples enjeux. Comment son partage et sa gouvernance pourraient-ils évoluer au cours des prochaines décennies ?

Nous allons devoir gérer une saisonnalité beaucoup plus contrastée dans les précipitations, ce qui va impliquer une répartition très inégale de la ressource, à la fois dans le temps et dans l’espace. Et donc poser la question de son stockage, qui est très conflictuelle aujourd’hui. L’autre grande question est celle des conflits d’usages : quels usages voulons-nous prioriser dans l’utilisation de l’eau ? Le rôle des agences de l’eau sera absolument crucial pour mettre en place cette gouvernance et réaliser les éventuels arbitrages nécessaires. 

Quelles raisons d’espérer identifiez-vous aujourd’hui ? Peut-on encore éviter un “scénario à la Mad Max” et vivre bien demain ?

Ce n’est pas une question d’espoir, mais une question de volonté. Nous avons toutes les solutions entre nos mains : si nous les déployons, je suis convaincu que nous vivrons mieux demain qu’aujourd’hui. Le problème, c’est que beaucoup sont convaincus que la transition va nous amener à vivre moins bien. Je pense exactement le contraire.