Liens de partage

L’objectif global reste de ralentir le trajet de la goutte de pluie vers la mer, d’éviter son ruissellement, de favoriser son infiltration...

#122

Interview d'Alain Dupuy, Hydrogéologue, Directeur ENSEGID, Membre du conseil scientifique du Comité de bassin Adour-Garonne

L’eau est communément considérée comme une ressource renouvelable. Nous l’imaginions aussi, toujours disponible dans nos régions. Pourriez-vous nous expliquer les impacts du changement climatique sur l’eau en Adour Garonne ? 

L’eau est et demeure une ressource renouvelable, cependant sa disponibilité, dans le temps et dans l’espace, a toujours été inégale. 

Les impacts du changement climatique sur l’eau sont nombreux et varient en fonction des territoires.

On s’attend tout d’abord à une modification de la distribution spatiale des précipitations. Le Sud-Ouest se retrouverait en grande partie, au sein d’une cellule plus sèche avec à la clef une baisse des précipitations annuelles de l’ordre de 10%. Il y aura également une modification de la distribution temporelle des précipitations avec une plus grande concentration durant les trois mois d’hiver. 

Avec les effets de l’augmentation des gaz à effet de serre, la quantité d’énergie dans l’atmosphère augmente et avec elle sa capacité à transporter de l’eau. C’est ce qu’on appelle le pouvoir d’évaporation. On prévoit ainsi une augmentation de 10 à 30 % de ce besoin en eau de l’atmosphère. À la clef nous aurions des précipitations plus rares et plus extrêmes, mais aussi, localement, des phénomènes d’asséchement des sols dans les territoires qui ne pourront pas répondre à ce besoin accru en eau de l’atmosphère, faute de ressources suffisantes en surface. 

Aujourd’hui, il est certain que l’idée d’une totale disponibilité de l’eau est révolue. Dans le grand Sud-Ouest, les prévisions globales pour 2050 dessinent un avenir contraint en matière d’accès à l’eau : aux éléments précités s’ajoutent une diminution de 35 à 60 % du manteau neigeux, une baisse des débits moyens de 20 à 40 %, une augmentation de la sécheresse des sols, une baisse de la recharge des nappes de 30 à 50 % en fonction du type d’aquifère… 

On traverse déjà des périodes de tension où la ressource ne permet pas de répondre à l’ensemble des usages et aux besoins du milieu naturel. On estime, aujourd’hui, en Adour-Garonne, le déficit en eau dans la période où les cours d’eau sont au plus bas (étiage) à 200 à 250 millions de m3. Cette période de déficit reste circonscrite sur une courte période, un peu plus d’un mois en moyenne. En 2050, si nous ne changeons rien, on évalue ce déficit saisonnier de 1 à 1,2 millions de m3 sur une durée de près de 3 mois. 

Enfin, on a constaté qu’une augmentation de la température de 1° C crée une augmentation de la consommation d’eau des usagers de 1,6 %.

A terme, les impacts se répercuteront sur l’ensemble de la ressource : eaux de surface comme eaux souterraines car toute l’eau est liée par le cycle hydrologique. 

Que pouvons-nous faire ? Quelles sont les stratégies d’adaptation envisageables ?

Comme l’a annoncé Emmanuel Macron, avec le plan eau, le premier objectif, c’est la sobriété. Nous devons tous devenir des usagers « hydro-économes ». 

Les solutions proposées dans le cadre de la transition écologique sont variées. Cette variété est une garantie de la pertinence des actions car chaque territoire peut imaginer un profil de solutions adapté à ses contraintes et à ses besoins futurs. Il est primordial de faire avec la population, la société qui habite les lieux. 

La situation nous contraint et nous devons être inventifs dans les solutions que nous mettrons en œuvre : réutilisation d’eaux non-conventionnelles, transition agricole, solutions fondées sur la nature…

Quels sont pour vous les éléments indispensables pour réussir cette transition ?  

D’abord au niveau de la gouvernance, il est indispensable de rassembler des représentants de l’ensemble des usagers pour partager la ressource et arbitrer quand cela est nécessaire.

Sur le plan technique, nous avons déjà parlé de la multiplicité des solutions techniques mais l’objectif global reste de ralentir le trajet de la goutte de pluie vers la mer, d’éviter son ruissellement, de favoriser son infiltration…  Et aussi bien sûr de la réutiliser autant que possible durant son parcours.