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"Mettre l’écologie au cœur du fonctionnement des systèmes agricoles pour les rendre plus durables"

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Interview - Lionel ALLETTO , Directeur de recherche au sein  du Laboratoire AGroécologie, Innovations et teRritoires (AGIR)    - INRAE

Qu’est-ce que l’agroécologie ?     

L’agroécologie, comme son nom l’indique, allie agronomie et écologie. Elle tient également compte des apports des sciences humaines et sociales. Elle tente de mettre l’écologie au cœur du fonctionnement des systèmes agricoles pour les rendre plus durables, notamment face aux impacts du changement climatique. Comme levier majeur, elle promeut des systèmes de production agricole valorisant la diversité biologique dans l’espace et dans le temps : diversité des cultures, des systèmes, des paysages, biodiversité….   

Comment contribuez-vous à la transition agroécologique au sein d’INRAE ?   

La transition agroécologique est au cœur de toute l’activité de l’Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement (INRAE).  Au sein du Laboratoire AGroécologie, Innovations et teRritoires (AGIR), nous travaillons à la conception et à l’évaluation de la performance de systèmes agricoles, de systèmes de culture et de production diversifiés.    

En pratique, nous suivons des agriculteurs déjà engagés dans des voies de transition. Nous allons les aider à diagnostiquer, évaluer et améliorer leurs performances.   

Plus en amont, nous cherchons à caractériser des ressources génétiques, des espèces végétales et des variétés au sein de ces espèces, qui répondent aux enjeux de transition, qui sont plus tolérantes à des maladies, moins gourmandes en intrants…   

Enfin, l'unité évalue, en aval, à l'échelle des filières agricoles, l’insertion de cultures issues de ces systèmes agroécologiques.   

Point important, une pratique seule n’est pas agroécologique, c’est la combinaison de plusieurs pratiques vertueuses qui permet de qualifier un système comme étant agroécologique. Mon laboratoire de rattachement propose d’évaluer des pratiques et systèmes qui seront adaptés aux territoires et aux enjeux locaux. Il n’y a pas de recette générale, nous tentons de faire du sur-mesure. On confronte nos solutions à la réalité du terrain agricole et aux connaissances des agriculteurs.    

A quoi pourrait ressembler l’agriculture de demain ?

Pour nous un système vertueux est un système qui permet une production alimentaire de qualité en se passant au maximum des intrants notamment phytosanitaires et engrais Un système qui préserve la diversité et la biodiversité des milieux et qui tente de réduire au maximum le travail du sol.   

Par exemple, l'agriculture de conservation des sols est un système intéressant. Il repose sur la mobilisation simultanée de trois principaux leviers :    

  • la diversification et l’allongement des successions de cultures ;    
  • la couverture maximale des sols par des couverts végétaux ou des résidus de plantes maintenus à la surface des sols ;    
  • la réduction forte ou la suppression du travail du sol.   

Mais on en appréhende aussi les limites, par exemple ici la dépendance à certains herbicides, et l’on essaie de travailler des systèmes intermédiaires. On va dégrader certaines performances pour en améliorer d'autres. Par exemple, en travaillant un petit peu son sol, on va pouvoir éviter l’usage d’herbicides mais on va avoir des capacités de stockage du carbone un peu moindre... On est amené à faire des compromis au service de l’adoption de ces pratiques.   

Quels sont les principaux freins à la généralisation de ces pratiques ?  

Notre première grande hypothèse c’est qu’il faut diversifier les systèmes de production.    

Mais si l’on veut diversifier les productions, il faut trouver des marchés pour écouler ces cultures de diversification. Aujourd’hui on constate que les débouchés sont encore trop faibles. Les marchés sont trop volatiles. Il y a donc un enjeu à construire et à stabiliser des filières.   

Certains agriculteurs ont tenté la diversification mais face à l’instabilité ou à l’effondrement des prix, ils sont retournés à une agriculture plus conventionnelle.    

L’agriculteur ne doit pas souffrir. Il fait déjà l’effort de la mise en culture. Il doit en retour avoir la garantie d’un prix correct.  Cette réflexion sur la filière et sa viabilité économique fait intégralement partie de nos axes de travail.  Elle est aussi l’un des fondamentaux du Pacte pour accélérer la transition agroécologique, initié par l’agence de l’eau, sur le bassin Adour-Garonne.