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Bassin Adour-Garonne

Interview Vincent Marquet , expert recherche et prospective

#133

"Explore 2 actualise nos connaissances sur les futurs de l’eau et du climat en s’appuyant sur les derniers rapports et modèles du GIEC. Il nous permet d'exploiter des prévisions à des échelles temporelles et spatiales beaucoup plus fines."

Vous êtes expert recherche et prospective à l’Agence, pourriez-vous nous préciser votre rôle ?

Une première partie de mon activité est dédiée à la recherche car l’Agence a besoin de compétences scientifiques robustes pour mener à bien ses missions. 

Le second volet de ma mission porte sur la prospective, c’est à dire l’anticipation des futurs possibles pour mieux orienter les décisions présentes. Plus que de prédire le futur, il s’agit là de bâtir l’avenir. 

Une grande partie de ce travail porte sur le changement climatique et l’anticipation de ses impacts sur le cycle de l’eau. Nous savons que les effets du changement climatique, que nous expérimentons déjà depuis une cinquantaine d’années, vont s’accentuer au moins jusqu’à la fin du siècle et nous devons agir en conséquence, dès maintenant.  

Les 1ers résultats d’Explore 2 ont été publiés en juin. Cette étude fournit des projections hydro-climatiques pour la France au XXI siècle. Que nous apprend-elle?

Il faut se rappeler que si l’on parle d’Explore 2 c’est parce qu'il y a déjà eu une première étude appelée Explore 2070, qui identifiait les effets du changement climatique sur l'eau en France métropolitaine avec pour horizon 2070. Ce travail nous avait déjà permis d’acquérir un socle solide de connaissances sur lequel nous avons bâti le Plan d’adaptation au changement climatique (PACC) du bassin dès 2018.

Explore 2 actualise nos connaissances sur les futurs de l’eau et du climat en s’appuyant sur les derniers rapports et modèles du GIEC. Il nous permet d'explorer les prévisions à des échelles temporelles et spatiales beaucoup plus fines.

Par exemple, avec Explore 2070, nous avions des projections annuelles des débits. Avec Explore 2, nous obtenons des estimations plus précises par saison. Cela est important et nous a permis de constater que, sur notre bassin versant, nous expérimenterons non seulement des baisses de débits en été — ce à quoi nous nous attendions — mais aussi en hiver, ce qui est plus surprenant.

Autre découverte, en matière de précipitations, nous pensions avoir une quantité de précipitations stable sur l’année avec des contrastes accentués entre les saisons : des étés plus secs et des hivers plus pluvieux, mais une quantité globale annuelle équivalente. Explore 2 nous révèle que ce niveau de précipitations annuel pourrait baisser à horizon 2100, notamment près des Pyrénées. 

Un autre apport d’importance d’Explore 2 est le lien qui sera fait avec la TRACC, Trajectoire de réchauffement de référence pour l'adaptation au changement climatique qui projette un réchauffement à + 4°C de la France métropolitaine à horizon 2100. La TRACC pose un cadre de référence pour faire converger l’ensemble de nos politiques publiques et mieux calibrer nos actions d’adaptation. L'intérêt est d’aboutir à une coordination beaucoup plus forte entre les politiques sectorielles françaises (eau, énergie, transport...) traitant d’adaptation.

Explore 2 est une étude, menée par l’INRAE, le ministère et l’OFB. A partir des modèles du GIEC, elle fournit des projections pour l'eau et le climat en France, tout au long du XXIᵉ siècle. 

Consultez la synthèse des premiers résultats en ligne >>>

Comment se construit la réponse de l'Agence face aux défis climatiques ?

En s’appuyant sur les connaissances scientifiques dont les productions des sciences humaines et sociales, nous acquérons une vision plus précise et nuancée des futurs possibles. Cependant, en raison de l'incertitude persistante, il est impératif de développer des trajectoires d'adaptation dynamiques. Ces trajectoires doivent être évolutives et s'ajuster en fonction des nouvelles données ou des évolutions climatiques constatées.

C'est dans cet esprit que nous avons révisé notre Plan d'adaptation au changement climatique (PACC). Lors de cette actualisation, nous avons d’ailleurs constaté que toutes les mesures que nous avions anticipées en 2018 restent pleinement pertinentes. L'ensemble des solutions identifiées à l'époque demeure valable et constitue une base solide pour agir.

Ces solutions incluent :

  • l'évolution des usages vers une plus grande sobriété ;
  • les solutions fondées sur la nature, qui, en tirant parti du fonctionnement des écosystèmes, offrent l'avantage d'être naturellement adaptatives ;
  • les aménagements et infrastructures, qui devront être pensées en tenant compte des variations probables de l’eau et du climat ;
  • les questions de gouvernance, car l'adaptation au changement climatique va interroger nos manières de faire société et requérir une réflexion collective. 

Dans ce cadre, le 12e programme de l'Agence a pour vocation de permettre une mise en œuvre rapide de ces solutions sur les territoires. Chaque action de gestion de l'eau intégrera désormais les connaissances actualisées sur la vulnérabilité des territoires au changement climatique.

Afin de soutenir les décisions des acteurs locaux, l'Agence s'engage à actualiser les cartes de vulnérabilité à l'échelle des bassins versants de gestion. Ces cartes, basées sur les connaissances disponibles, permettront d'éclairer les choix, de définir des priorités et d'améliorer la gestion des impacts climatiques.

Le saviez-vous ?

La vulnérabilité d'un territoire

La vulnérabilité d’un territoire s’apprécie au regard de deux critères :
- Son exposition au changement climatique, c’est à dire les effets du changement climatique qu’il devrait connaitre ;
- Sa sensibilité au changement climatique, les caractéristiques propres au territoire qui vont le rendre plus ou moins sensible aux impacts du changement climatique (géographie, démographie...).