Bassin Adour-Garonne
CONTINUITE ECOLOGIQUE - Interview de Claude Miqueu
#137
Claude Miqueu a été Président de la Commission planification du Comité de bassin Adour-Garonne, Membre de l’Académie de l’eau et du Comité national de l’eau, Député - Maire de Vic en Bigorre, Vice-président du Conseil général des Hautes-Pyrénées. Il a présidé le groupe de travail du bassin sur la restauration de la continuité écologique des cours d’eau jusqu’en décembre 2024.

La politique de restauration de la continuité écologique des cours d’eau, qu’est-ce que c’est ?
Assurer la continuité écologique des rivières c’est permettre la libre circulation des poissons et le transport des sédiments de l’amont vers l’aval de la rivière. Aujourd’hui encore, dans nos rivières trop d’obstacles ralentissent cet écoulement naturel et entravent la vie aquatique : ponts busés, barrages, seuils... Pourtant cette continuité écologique est indispensable à la bonne santé des cours d’eau. La Directive cadre européenne sur l’eau en fait d’ailleurs l’un des critères de mesure du bon état des eaux.
Pour rendre les obstacles franchissables plusieurs solutions existent. Il peut s’agir d’installer des passes à poissons, de créer des rivières de contournement ou, parfois, d’effacer les ouvrages. Ce sont ces actions, leur identification, leur priorisation, leur mise en œuvre et leur évaluation, débattues localement avec les partenaires concernés, que l’on regroupe sous l’appellation de politique de restauration de la continuité écologique.
Quel a été votre rôle dans le déploiement de cette politique de l’Agence en particulier ?
Dès 2017, le Président du comité national de l’eau Jean Launay, m’a mandaté pour co-piloter un groupe de travail avec la Direction de l’eau et de la biodiversité (DEB) sur ce sujet sensible.
Notre mission s’est concrétisée par la note DEB du 30 avril 2019, intitulée « Pour une politique apaisée de restauration de la continuité écologique des cours d’eau ».
Un an après, le Comité de bassin Adour-Garonne a souhaité créer un groupe de travail équivalent. Alain Rousset et Guillaume Choisy, m’ont confié la présidence et le pilotage de ce nouveau groupe réunissant des élus représentants les principaux usagers.
La première étape de notre travail a consisté à « arpenter » le bassin et à écouter les acteurs du territoire. Il s’agissait d’aller voir, de quelle nature sont les obstacles : seuils, barrages, ponts busés… Quels services rendent-ils ? Qui sont leurs propriétaires et leurs usagers… Ainsi, nous avons pu identifier clairement les intérêts locaux en jeu et les points de vigilance à considérer avant toute action.
Dans le bassin Adour-Garonne, l’aménagement de 492 seuils est considéré comme prioritaire par le schéma d’aménagement et de gestion des eaux du bassin. La mise en œuvre de notre programme accuse un retard certain, lié à la complexité des dossiers ou à des procédures parfois très longues. Pour rétablir le libre écoulement de l’eau dans nos rivières, il fallait en préalable améliorer l’écoute en amont des projets. Nous nous sommes très tôt rapprochés des hydroélectriciens et des associations de propriétaires de moulins, pour échanger sur l’intérêt de ces démarches et entendre leurs points de vue. Nous avons associé les autres membres du groupe de travail dans une approche globale (associations, collectivités locales…).
Certains ouvrages servent encore un usage ou présentent un intérêt historique ou patrimonial. Notre approche devait évoluer pour prendre en compte les spécificités locales, mieux intégrer les réalités du terrain et construire des solutions adaptées à chaque ouvrage.
Quelles sont les recommandations principales que l’on peut retenir de ce travail ? Quelles en seront les suites ?
Le Comité de bassin du 5 décembre 2024 a validé le bilan de notre travail. Au terme de ces quatre années, nous avons établi pour le bassin, une méthode, une doctrine incluant 16 recommandations qui ont fait l’objet d’une délibération en comité de bassin. Leur déclinaison et leur suivi sont rattachés à la commission milieu naturel et à la commission planification. Les objectifs rénovés seront inscrits dans les documents de programmation de l'Agence à savoir le SDAGE et son programme de mesures.
Pour bâtir la solution adaptée, une approche au cas par cas est nécessaire. Elle permet de rassembler autour du propriétaire de l’ouvrage, les usagers concernés et de prendre en compte les enjeux du site et du territoire pour aboutir à la solution technique la plus pertinente. J’aime à dire qu’il faut accepter de perdre du temps, au départ, lors du montage du dossier, pour en gagner par la suite. La validation préalable des connaissances partagées et non partagées et leurs arbitrages régaliens fondent la qualité de l’instruction du dossier.
Par ailleurs, ces actions ne peuvent être isolées ; elles doivent s’inscrire dans un plan global visant l’amélioration de l’état des eaux et des milieux aquatiques. Il faut également régulièrement évaluer leurs effets. Sans cela nous échouerons à prouver leur efficacité et convaincre de leurs bénéfices pourtant réels sur le long terme.