Bassin versant de l’Adour
AGROÉCOLOGIE - Interview Véronique Mabrut
#139
Véronique Mabrut, Directrice en charge de la délégation Adour et Côtiers, témoigne de la journée du 13 mars : « Accélérer le déploiement de l'agroécologie sur le bassin de l'Adour ».

Pourquoi avoir fait le choix de dédier une journée technique à cette question de l'accélération du déploiement de l’agroécologie sur le bassin de l’Adour ?
À l’heure du diagnostic sur l’état des eaux du bassin versant de l’Adour, nous faisons le constat que les enjeux liés à l’amélioration de la qualité de l’eau et à la satisfaction des besoins en eau restent prépondérants. La présence persistante de contaminants dans l’eau et notamment des phytosanitaires et des nitrates, constitue une préoccupation majeure. De plus, l’aggravation du déficit quantitatif entre besoins et ressources disponibles risque d’accentuer cette situation.
L’Adour est un territoire à forte dominante rurale. Son équilibre économique repose en grande partie sur l’activité agricole, ce qui rend pertinent le choix d’une approche concertée pour concilier développement agricole et préservation de la ressource en eau.
Cette première édition de l’événement (lien programme) était dédiée à l'ensemble des acteurs impliqués dans l'accompagnement du monde agricole : les organismes de développement agricole (Chambres d’agriculture, CIVAM, chambres annexes), les acteurs économiques (négoces, coopératives), les collectivités locales qui ont pour certaines des programmes agricoles (communautés de communes, conseils départementaux, syndicats d’eau potable).
Nous avons rassemblé environ 60 parties prenantes et nous avons travaillé ensemble pour identifier les freins et leviers à l’évolution des pratiques agricoles.
Cette démarche s’inscrit également dans la mise en œuvre du « Pacte pour accélérer la transition agroécologique du grand Sud-Ouest» signé par l’État, les régions Occitanie et Nouvelle Aquitaine, les deux Chambres régionales d’agriculture, les Coopérations agricoles des 2 régions, l’Agence l’INRAE.
Sur quoi ont porté vos échanges ?
C’était une journée pleine d’optimisme malgré son sujet sensible. Nous avons partagé de nombreux témoignages et retours d’expériences sur ce qui se fait déjà en Adour ou ailleurs et que nous souhaiterions voir se généraliser.
Parmi les initiatives évoquées, l’Agro Réseau, porté par la Chambre d’Agriculture des Pyrénées-Atlantiques, accompagne la transition vers l’agriculture de conservation des sols. De même, avec le développement de sa filière popcorn, Nataïs s’engage pour la transition agroécologique.
Si de nombreuses actions existent déjà sur le territoire, leur impact reste encore trop marginal en termes de surfaces engagées. La question centrale demeure donc : comment élargir cette dynamique et initier un changement d’ampleur ?
Cette question va bien au-delà des seules dimensions technico-financières. C'est pourquoi nous avons fait appel à Véronique Lucas, sociologue à l’INRAE de Rennes, afin d’apporter un éclairage sur les dynamiques sociales à l’œuvre et les leviers essentiels pour accompagner le changement.
Nous avons ensuite travaillé en ateliers pour répondre aux questions : comment mieux mobiliser les acteurs ? Mieux s’organiser ? Et mieux rendre compte des actions menées sur le territoire ?
Que retenez-vous ? Et quelles suites envisagez-vous à cette journée ?
La première des recommandations pourrait être d’abandonner les préjugés et idées préconçues sur la résistance au changement du monde agricole.
La transition agricole implique une transformation en profondeur, qui touche non seulement l’agriculteur dans son exploitation, mais aussi toute la filière de distribution en aval, jusqu’au consommateur. Le marché joue un rôle clé dans cette évolution.
La transition agroécologique est un processus complexe qui demande du temps, l’appropriation de nouvelles pratiques agricoles qui vont répondre au besoin de viabilité économique des exploitations. Le nouveau programme d’intervention de l’Agence est porteur de projets ambitieux de réutilisation des eaux usées, de réhausse d’ouvrages, de création de réservoirs à des fins agricoles. Il y associe des contreparties en matière d’engagement dans l’adoption de pratiques agricoles respectueuses de l’environnement.
Ces changements ne s’opèrent pas en une seule année : il faut raisonner en cycles culturaux. Dans l’évolution des modes de production, il faut parfois deux ou trois ans pour retrouver un nouvel équilibre économique et technique. L’enjeu est de garantir que cette transition ne se fasse pas au détriment du revenu des agriculteurs.
L'Agence peut aussi soutenir les revenus agricoles notamment au travers des Paiements pour services environnementaux mais les surfaces concernées restent trop peu nombreuses. C’est l’ensemble du territoire qui doit évoluer, ce qui nécessite un engagement global des acteurs de l’amont à l’aval, du producteur au consommateur.
Rassembler les acteurs en charge de l’accompagnement du monde agricole et créer une dynamique propice à une action plus concertée à l’avenir, c’est LA grande réussite de cette journée. Nous la reconduirons certainement à échéance, mais d’ici là, des liens ont été créés, et nous avons déjà commencé à travailler avec un plus large panel de partenaires.