Les actions menées dans le cadre d’une approche territoriale intégrée améliorent la capacité des territoires à s’adapter
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Interview de Jean LAUNAY, Président du Comité National de l’Eau, membre du comité de bassin Adour Garonne et pilote de la démarche d’évaluation des politiques d’intervention de l’Agence à l’échelle des territoires.
Vous avez présidé le comité de pilotage en charge de l’évaluation des politiques d’intervention de l’Agence à l’échelle des territoires. Quelles sont ses principales conclusions ?
Deux conclusions majeures : les actions menées dans le cadre d’une approche territoriale intégrée améliorent la capacité des territoires à s’adapter. La réalité du changement climatique favorise l’aptitude des acteurs à adopter une vision transversale des enjeux de gestion de l’eau et des milieux aquatiques.
Cette étude a confirmé ce que nous pressentions. Il est indispensable de sortir d’une approche sectorielle des politiques d’intervention et pour ce faire, il est nécessaire de revoir les stratégies d’aménagements des territoires pour porter les débats, au plus près des acteurs.
L’évaluation a porté sur 10 études de cas à l’échelle de sous-bassins versants de gestion, de l’ordre de 1000 à 1500 km2. Cette échelle est adaptée pour parvenir à rassembler tous les usages, tous les acteurs et toutes les strates d'administration locale au sein d’une démarche coordonnée, participative et opérationnelle, à une échelle hydrographique pertinente.
L’agence de l’eau Adour-Garonne est d’ailleurs pionnière sur ce sujet, puisqu’elle a la particularité d’avoir bâti, dès 2020, des stratégies territoriales dans les grands sous-bassins en association avec les acteurs locaux. Pilotées par les préfets de sous-bassins, animées dans le cadre des commissions territoriales, ces stratégies ont pour objectif d’être déclinées de manière opérationnelle notamment par les établissements publics territoriaux de bassin (EPTB). Mais l’étude va bien entendu plus loin, elle appelle une mobilisation des acteurs locaux sur des territoires encore plus réduits afin qu’ils s’approprient, partagent des objectifs et coordonnent leurs actions au sein d’une maitrise d’ouvrage forte sur les questions liées à l’eau domestique, comme la sécurisation de l’alimentation en eau potable ou la rénovation des réseaux, mais aussi sur des problématiques environnementales : préservation de la ressource, maintien de la biodiversité...
Ces conclusions nous permettent de dégager les clés dans l’impulsion de ce type de démarche.
Quelles recommandations et quels leviers dans le cadre d’un déploiement intensifié de ces démarches sur le bassin ?
En premier lieu, pour être efficaces, ces démarches doivent s’appuyer sur une structure de bassin à la bonne échelle et une maîtrise d’ouvrage solide pour mener des actions sur la biodiversité et les milieux aquatiques.
Un second point indispensable est l’existence dans le pilotage d’un portage politique fort et pérenne, incarné par un élu moteur, secondé dans sa démarche par un animateur territorial en charge de la mobilisation de l’ensemble des acteurs concernés.
Enfin, il s’agit d’élaborer un programme d’actions partagé par l’ensemble des acteurs locaux et de fédérer dans sa mise en œuvre.
L’étude a montré que sur tous les territoires où une approche intégrée a été mise en place, la dynamique de gouvernance a favorisé l’action sur le grand cycle de l’eau. Ces démarches ont aussi permis un bon niveau de partage et la prise en compte de la transversalité des enjeux de l’eau, cela indépendamment de la thématique à l’origine de la démarche locale. Les enjeux de qualité des eaux de baignade, de tourisme nautique, de cadre de vie sont, en fonction des contextes locaux, de bonnes portes d’entrée pour le lancement de ces démarches.
Les recommandations issues de cette étude sont organisées autour de deux grands axes.
Le premier met l’accent sur le soutien et la promotion de ces démarches à l’échelle des bassins versants dans la politique de l’eau comme l’un des principaux leviers d’adaptation de nos territoires au changement climatique. Elles permettent en effet de partir des spécificités d’un territoire pour aboutir à la prise en compte d’une vision d’ensemble des enjeux de l’eau. Le second axe cible un meilleur pilotage et une plus grande articulation de la politique territoriale de l’Agence aux différentes échelles afin d’optimiser la prise en compte des conséquences du changement climatique dans les territoires.
En tant que Président du Comité National de l’eau, que retenez-vous particulièrement de cette étude ?
Cette étude nous confirme que les territoires ont chacun des spécificités qui doivent être prises en compte : tailles de bassins et de sous-bassins différentes, natures des sols, activités économiques, types d’agriculture et pratiques culturales, état des masses d’eau, réseaux hydrographiques, nappes profondes ou pas… La combinaison de tous ces critères nécessite des solutions locales.
Territorialiser, c’est venir prendre appui sur la capacité d’initiative des collectivités territoriales qui sont souvent les plus à même de répondre aux attentes et demandes sociales en termes de biodiversité et d’adaptation au changement climatique…. C’est leur capacité à agir qu’il faut renforcer en leur permettant de bâtir des maîtrises d’ouvrage solides.
Notre agence Adour-Garonne devra en conséquence intégrer la territorialisation dans son futur programme. Et les autres agences, avec la diversité des territoires qu’elles englobent, devront faire de même. L’analyse du passé menée sur les 20 dernières années doit permettre aux agences de prendre du recul pour être plus pertinentes et efficaces dans les 12es programmes à venir, afin de mieux accompagner les acteurs et de répondre aux enjeux cruciaux d’adaptation au changement climatique.
La publication de ces conclusions est particulièrement pertinente au moment même où le plan Eau vient promouvoir “ une gouvernance ouverte, plus efficace, et plus lisible incluant l’ensemble des acteurs" notamment à l’échelle des sous-bassins.