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#107 - L'interview

N°107 - Janvier 2021

« La pertinence de l’approche par bassin est particulièrement adaptée en Adour-Garonne »

AUDE WITTEN, DIRECTRICE GÉNÉRALE ADJOINTE DE L’AGENCE, CHARGÉE DU PROGRAMME

C’est la première fois que vous intégrez une agence de l’eau, bien que vous soyez une spécialiste de la ressource. Quel est votre parcours ?

Je suis ingénieur agronome, diplômée des Eaux & Forêts, avec une spécialisation Eau. J’ai débuté ma carrière à la DRAAF de la région Centre, sur les filières d’élevage.

En 2009, j’ai intégré la Mission Interdépartementale et Régionale de l’Eau (MIRE) de la Préfecture de Bretagne. L’objectif était de bâtir une approche globale pour lutter contre les pollutions diffuses liées aux nitrates, les algues vertes au premier chef. L’urgence était bien réelle ! J’ai eu l’occasion de travailler en collaboration avec les services de l’Etat et de la Région, des 2 départements concernés et des opérateurs publics, dont l’agence de l’eau Loire-Bretagne.
En 2013, j’ai eu l’opportunité de rejoindre les services de la Région Bretagne, afin de mettre en place leur nouvelle compétence eau. Cette démarche, inédite, a permis à un véritable collectif d’émerger : collectivités, syndicats mixtes et EPTB ont élaboré une gouvernance partagée sur la problématique de l’eau, à l’échelle de toute la Bretagne. La collectivité bretonne a été la première à obtenir cette compétence d’animation et de concertation introduite par la loi Notre.
Sur cette période, j’ai également collaboré avec Thierry Burlot, élu de la Région Bretagne qui siégeait à la commission planification du comité de bassin Loire-Bretagne. J’ai, à ses côtés, aidé à rédiger les documents du futur SDAGE Loire-Bretagne (2016-2021, NDLR), en lien avec le secrétariat technique de l’instance. J’ai particulièrement apprécié cette ouverture aux enjeux du grand bassin hydrographique, au-delà du périmètre régional.

J’ai voulu ensuite étoffer mon expérience dans le domaine de l’eau par une approche davantage tournée vers le risque naturel et la gestion de crise. En 2018, j’ai ainsi rejoint le Schapi, la tête du réseau Vigicrues, qui assure une mission opérationnelle de prévision des inondations sur tout le territoire national. Deux dossiers m’ont particulièrement tenu à cœur : l’appui aux Référents Départementaux Inondation postés en DDT, qui conseillent les préfets en crise, et l’élaboration du projet stratégique du réseau Vigicrues pour 2021-2024.

Vous prenez la suite d’Aline Comeau à l’Agence. Comment envisagez-vous la fonction de DGA programme et les missions qui vous sont confiées ? 

Ma priorité va être, dans un premier temps, de bâtir un binôme efficace et robuste avec Guillaume Choisy, autant sur les aspects de stratégie que sur l’opérationnel. 

A l’extérieur, je vais bien entendu me mettre au service de ce qui fait la richesse de la démocratie locale de l’eau. Le comité de bassin en est le pivot, mais bien d’autres instances en sont l’expression, comme les CLE ou les commissions territoriales. C’est une connexion directe avec les territoires et leur diversité. 
J’entends faciliter la poursuite de ce dialogue permanent entre tous les acteurs et partenaires, et cela à toutes les échelles. La démocratie de l’eau en Adour-Garonne est une vraie force : elle repose sur une gouvernance intégrée, qui se décline à plusieurs échelles, et qui en intégrant toutes les parties prenantes, se donne les moyens de prendre en compte les différents enjeux pour une gestion durable.  Ce sera un atout pour faire vivre le futur SDAGE, lancé cette année, en travaillant de concert avec tous nos partenaires pour sa réussite.

En interne aussi, beaucoup de projets sont à mettre en œuvre : j’arrive alors que le projet d’établissement, ambitieux, mûrement réfléchi et partagé, s’apprête à être décliné sur l’ensemble des champs d’activité de l’Agence. Je compte m’investir à la fois dans sa déclinaison externe, qui vise à renforcer le rayonnement de l’agence et sa capacité à nouer des partenariats de nature à accélérer l’atteinte des objectifs de reconquête de la qualité des eaux et des milieux, mais aussi dans sa déclinaison interne, en donnant du sens aux choix de mise en œuvre, en veillant à leur cohérence d’ensemble et à l’accompagnement du collectif.

Quelle est votre vision du bassin Adour-Garonne et les problématiques de gestion de l’eau que vous avez déjà pu identifier ?

La gestion quantitative tient bien entendu une place particulière sur le bassin. C’est un enjeu très fort, particulièrement clair aux yeux des décideurs et bien inscrit comme tel dans les documents de planification. 
Au regard de cet enjeu, j’ai noté avec beaucoup d’intérêt en arrivant que l’outil de la prospective a été activé tôt à l’échelle du bassin pour aider à poser la problématique, dans le cadre du PACC puis à des échelles territoriales. Ce sont des éléments qui vont être très mobilisateurs dans les années à venir : ils permettent de faire toucher du doigt les réalités des impacts du changement climatique, et la nécessité de relever les défis d’adaptation ensemble.
Je crois beaucoup au fait que les solutions viendront des territoires, dans un cadre bien posé en amont : en donnant des clés de lecture pertinentes, en posant des enjeux communs et en laissant des marges de manœuvre suffisantes pour construire des solutions, on peut être très efficace. C’est tout le sens des PTGE, et c’est le retour d’expérience que j’ai retiré des démarches de concertation menées en Bretagne pour résoudre le phénomène des marées vertes.
Je suis également frappée par le caractère innovant des expérimentations déployées en Adour-Garonne. Les PSE offrent par exemple une vraie solution pour les agriculteurs, en même temps qu’un moyen de diffuser les pratiques agroécologiques. Adour-Garonne a un temps d’avance sur le sujet et c’est tant mieux !

Il serait malgré tout réducteur de ne penser que quantité d’eau lorsque l’on parle d’Adour-Garonne. La réalité est éminemment plus complexe et diverse qu’il n’y paraît : la qualité de l’eau y est également un enjeu très fort pour lequel on doit agir, notamment s’agissant des pollutions diffuses d’origine agricole, mais aussi les enjeux d’hydromorphologie des cours d’eau, de protection de la biodiversité ou des écosystèmes aquatiques. Autant de sujets qui nécessitent une véritable approche intégrée de la gestion de l’eau, et qui promettent de riches débats dans notre futur comité de bassin !