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#106 - L'interview

N°106 - décembre 2020

« A l’issue de la dernière réunion du Comité de Bassin Adour-Garonne qu’il présidait, Martin MALVY qui ne postulera pas pour un nouveau mandat, revient sur 12 années de sa présidence du comité de bassin. »

MARTIN MALVY, PRÉSIDENT DU COMITÉ DE BASSIN ADOUR-GARONNE

Quelles sont les évolutions importantes que vous avez constatées ?

Beaucoup de choses ont évolué dans notre bassin. Ces évolutions reposent en grande partie sur la prise de conscience par nos concitoyens des conséquences du changement climatique sur la ressource en eau. Le rôle des comités de bassin reste encore à développer mais je suis convaincu que nous avons collectivement, et grâce au soutien de l’Agence de l’eau, fait évoluer la perception de la politique de l’eau et de son utilité.

 

Quel est le principal enjeu auquel le bassin Adour-Garonne doit faire face ?

Indéniablement sa vulnérabilité face au changement climatique.

D’ores et déjà nous subissons un déséquilibre quantitatif de l’ordre de 200 à 250 millions de m3 par an. En 2050, la diminution inéluctable de 30 à 50% du débit des rivières l’été, portera ce déficit à 1,2 milliard de m3 d’eau par la seule baisse de l’hydrologie, dans le cas d’un réchauffement limité à 2°C. Cela représente la moitié de la consommation d’eau actuelle du bassin alors que la population aura progressé.

La différence avec d’autres bassins qui disposent de capacité de réalimentation de leurs cours d’eau, est que le bassin Adour-Garonne doit trouver des solutions multiples pour satisfaire tous les usages. Les solutions que nous encourageons reposent sur l’évolution de la filière agricole vers l’agroécologie, la préservation des zones humides, la renaturation des villes et des cours d’eau, mais également l’optimisation du stockage de la ressource en eau.

 

La politique de l’eau apporte-t-elle des réponses à la hauteur des enjeux auxquels nous devons faire face ?

J’ai alerté depuis des années les pouvoirs publics dans leur ensemble et l’opinion sur les difficultés que notre bassin connaîtra à l’horizon de seulement quelques années pour satisfaire tous les usages. La compétition pour l’accès à l’eau sera sévère et conflictuelle.

Notre bassin doit faire face à des enjeux considérables auxquels ne sont pas confrontés les autres bassins. Des investissements importants sont à réaliser pour répondre aux besoins actuels, mais aussi à ceux induits par l’exigence d’une anticipation liée au changement climatique. 
L’insuffisance de moyens, conduit l’agence de l’eau à pratiquer des taux de subventions aux collectivités plus faibles que ceux en vigueur dans d’autres bassins. Sans crédits supplémentaires, il serait illusoire de croire que notre bassin atteigne les objectifs de bon état des eaux, de restauration de la biodiversité et d’adaptation au changement climatique.

Sans réécriture du mode actuel de financement des agences, les objectifs sont inatteignables. Car il ne faut surtout pas sous-estimer les résultats à atteindre. Malgré ses difficultés, le bassin Adour-Garonne est en tête du palmarès national pour la qualité des ses masses d’eau et la concertation locale avec les acteurs (SAGE).

C’est la raison pour laquelle je n’ai eu de cesse de défendre une exception du bassin Adour-Garonne. Je pense avoir été en partie entendu mais cela ne suffit pas.

 

Quels sont les dossiers que vous transmettez ?

Je fonde beaucoup d’espoir sur la poursuite des travaux de l’Entente pour l’eau qui regroupe l’Etat, les deux régions, l’Agence et le Comité de bassin. L’objectif de l’Entente est d’harmoniser autant que faire se peut, les différentes politiques en matière d’eau sur le territoire des deux régions, et d’y contribuer.

C’est dans le cadre de cette démarche que des appels à projets communs sont lancés dans le Grand sud-ouest, et qu’une « plateforme » a été installée, en coopération également avec les deux régions. Elle a pour mission d’identifier les « bonnes pratiques » d’adaptation au changement climatique partout où une situation identique se présente, et ceci en étroite coopération avec les décideurs locaux en matière d’eau. Je souligne également l’engagement de l’ensemble des départements qui restent fortement mobilisés sur le financement de l’eau sur le petit cycle, ce qui n’est plus le cas dans les autres bassins.

Enfin, notre bassin vient d’adopter le projet de SDAGE pour le troisième cycle de 2022 à 2027. Clé de voûte de la politique de l’eau, il est le principal outil de mise en œuvre de la politique européenne dans le domaine de l’eau à l’échelle de notre bassin. Je pense que ce projet de SDAGE permet de répondre de façon plus efficace aux enjeux de demain, notamment au regard du changement climatique, en rendant plus opérationnelles des mesures du Plan d’Adaptation au Changement Climatique (PACC).

C’est le fruit d’un travail collectif, à l’image de la politique de l’eau.

Je tiens à remercier mes collègues pour leur écoute, leur implication et leur engagement pour servir cette grande cause qu’est la gestion de l’eau. Mes remerciements s’adressent aux membres actuels du comité de bassin, mais aussi à toutes celles et ceux qui ont siégé dans notre assemblée depuis 2008.

Je tiens à remercier également le directeur de l’Agence, ses collaborateurs, l’ensemble du personnel pour la qualité de leurs travaux, leur engagement et leur accompagnement du Comité de bassin. Je remercie le Préfet de région, coordonnateur du bassin, et la DREAL qui ont été en permanence attentifs et sensibles à un problème à dimension nationale, le Grand Sud-Ouest qui occupe 20% de la superficie de notre pays.