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Eau et adaptation au changement climatique : des solutions nature

#115

Nous avons interrogé Michèle JUND sur sa vision des solutions fondées sur la nature (SfN) et le développement de ces SfN au bénéfice des écosystèmes, de la biodiversité et du bien-être humain.

Photo Michèle JUND_2022

Le parcours de Michèle Jund, en quelques mots

Michèle Jund est ingénieur des techniques agricoles, elle a travaillé en chambre d’agriculture, en bureau d’étude environnement, puis à l’association Nature Midi-Pyrénées pendant 24 ans (de 1996 à 2020). Ses travaux ont notamment porté sur les zones humides, leur gestion, l’inventaire et l’accompagnement technique de projets de valorisation de milieux naturels dégradés.
Elle siège au Comité de Bassin Adour-Garonne (collège des Associations de protection de la nature, APNE) et est Présidente de la Commission des milieux naturels (CMN).

Quelle est votre vision des solutions fondées sur la nature (SfN) ?

Le terme de SfN est nouveau mais, en fait, cette appellation regroupe des actions et pratiques de gestion durable diversifiées qui existent depuis plusieurs décennies en faveur d’écosystèmes comme les zones humides, les milieux aquatiques, les prairies, les forêts, les agrosystèmes ou encore le pastoralisme.

Les enjeux des SfN sont doubles :

  • Premièrement, faire comprendre comment fonctionne un écosystème et la nécessité de le préserver en bon état.

Un écosystème en bon état fonctionne seul et « à l’optimum de production et de résilience », de façon pérenne. Il est le fruit de millions d’années de sélection naturelle.

C’est ce bon état qui permet la résilience en cas de phénomènes extrêmes qu’ils soient naturels (inondations, feu) ou anthropiques (pollution, érosion). Cela implique que l’on aille dans le sens de la nature. Lorsque des aménagements vont à l’encontre de la nature, cela peut être trop impactant et il peut y avoir une rupture d’équilibre. Les SfN permettent de retrouver un équilibre.

L’image de la toile d’araignée illustre bien les liens entre les divers éléments d’un écosystème : les fils de la toile d’araignée sont  nombreux, imbriqués et très solides. Si on sectionne plusieurs fils, la toile d’araignée ne remplit déjà plus ses fonctions d’origine. Lorsque trop de liens sont rompus, un retour en arrière n’est plus possible. Tous les éléments physiques et êtres vivants d’un écosystème sont reliés, leurs interactions perpétuelles font la richesse et la force de l’écosystème.

  • Deuxièmement, fédérer les acteurs du Comité de bassin autour des SfN.

Les SfN concernent tous les milieux au-delà des milieux aquatiques et humides. Les SfN sont diverses, par exemple : rétablir des champs d’expansion de crues, planter des haies pour freiner le ruissellement, reméandrer des cours d’eau, restaurer des espaces de mobilité de nos rivières, préserver les prairies, gérer les espèces invasives, limiter les biocides, retrouver des sols vivants, désimperméabiliser des sols en zone urbanisée, etc.

Parmi toutes les SfN existantes ou à créer, celles-ci concernent le cycle de l’eau; toutes sont favorables à la biodiversité et certaines seront très appréciées par le citoyen des villes, comme la création d’îlots de fraîcheur. Pour chacune de ces thématiques, les chercheurs, gestionnaires, acteurs de terrain ont engrangé des connaissances déjà expérimentées sur le terrain, relayées par des fiches espèces, cartographies, manuel de bonne pratiques… et contribué à des évolutions réglementaires.

Il reste à inventorier et caractériser ces connaissances en liaison avec ces solutions, à organiser et diffuser les retours d’expériences. L’enjeu au sein du bassin Adour-Garonne est de proposer aux acteurs un panel de solutions fondées sur la nature au sein duquel il choisira celles qui sont adaptées au territoire.

C’est donc un travail de recensement, de caractérisation, de retours d’expérience, de chiffrage coûts/bénéfices qui doit être réalisé : il est nécessaire d’objectiver les résultats.

Parallèlement à ces inventaires, il faut un terrain préparé, prêt à mettre en œuvre les SfN. Il est donc nécessaire de réaliser des opérations de sensibilisation, formation, communication... pour tous publics, notamment les acteurs des territoires. Les freins identifiés, il est possible de trouver des leviers d’actions, réglementaires, financiers ou sociétaux.

Les SfN doivent pouvoir se développer au bénéfice de tous les usagers. L’enjeu est réellement de fédérer tous les acteurs du bassin, d’établir des passerelles entre les écosystèmes (montagne, terrains agricoles, urbain …)

Schéma : les solutions fondées sur la nature se retrouvent dans tous les milieux

Pouvez-vous nous présenter le Groupe de travail SfN, piloté par la Commission des milieux naturels (CMN) ?

En novembre 2021, le Président du Comité de bassin Adour-Garonne a demandé à la CMN d’actionner tous les leviers pour répondre aux conséquences du changement climatique sur la ressource en eau. Les solutions fondées sur la nature doivent constituer une solution-phare en matière d’atténuation, mais aussi d’adaptation au changement climatique. »

Les SfN sont bien présentes dans le Schéma directeur d’aménagement et de gestion des eaux (SDAGE) 2022-2027, comme faisant partie intégrante du panel de solutions pour s’adapter au changement climatique et en limiter les effets.

Le groupe de travail qui a été créé – et qui est piloté par la CMN – est constitué de représentants de tous les acteurs du bassin : acteurs économiques (industriels, secteur agricole…), usagers (associations de protection de la nature…) car il est essentiel de connaître leurs attentes en la matière. Le groupe de travail bénéficiera de l’expertise de gestionnaires de milieux naturels et de l’appui de l’agence de l’eau, des agences régionales de la biodiversité et de l'Office français de la biodiversité.

Les travaux seront menés en lien avec des partenaires : région Occitanie, associations d’éducation à l’environnement, collectivités, structures "gemapiennes" qui pourront apporter leurs témoignages.

Le Groupe de travail s’appuiera également sur les compétences du Conseil scientifique du Comité de bassin.

Et des liens seront faits avec le Projet Life Artisan

ou encore la Plateforme des bonnes pratiques pour l'eau du grand Sud-Ouest.

Le groupe de travail SfN permettra d’impulser une dynamique et de proposer une large variété de solutions

L’objectif est aussi de (re)mettre au goût du jour les écosystèmes et leur fonctionnement naturel. Beaucoup de SfN sont des mesures de bon sens,  ce qu’on appelait aussi le « bons sens paysan ». Le développement de SfN au bénéfice des écosystèmes, de la biodiversité et de nos sociétés apporte des réponses pertinentes et durables.

Quels sont les messages que vous souhaitez porter ?

Il y a urgence à relever les défis globaux liés à la gestion des risques naturels, à la santé, l’accès à l’eau, la sécurité alimentaire… et le bien être humain, que les confinements successifs ont d’ailleurs mis en évidence.

Les SfN sont des solutions qui apportent du sens à tous les acteurs : aux agriculteurs, aux collectivités, aux citoyens.

La notion de co-bénéfices est aussi importante. Le développement de SfN au bénéfice des écosystèmes, de la biodiversité et du bien-être humain apporte des réponses pertinentes et durables.

Les fonctions d'un écosystème en bon état sont effectuées à titre gracieux et apportent des co-bénéfices pour la collectivité que les infrastructures ne proposent pas. Dans le cas de restauration de fonctionnalités, le coût de ces actions peut être élevé, mais il est lissé par la durabilité.

Comme je l’ai évoqué, le groupe de travail SfN veut fédérer les acteurs du bassin autour de cette thématique et améliorer le dialogue entre les différents acteurs En  favorisant une cohérence économique, faisabilité technique, pragmatisme dans la mise en œuvre

La volonté qui nous anime est de remettre la nature au centre de nos actions : les écosystèmes sont des alliés, en cette période de crise climatique et chaque acteur peut contribuer à leur restauration.