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#101 - Interview

N°101 - Février 2020

« Le PNR des Pyrénées ariégeoises joue son rôle de laboratoire avec l’expérimentation PSE »

MATTHIEU CRUEGE, DIRECTEUR DU PARC NATUREL RÉGIONAL DES PYRÉNÉES ARIÉGEOISES

Mesure du Plan Biodiversité, le dispositif des Paiements pour Services Environnementaux (PSE) est expérimenté par l’Agence, dans le cadre du 11e programme. Jusqu’à 2021 et la future PAC, 3 à 5 M€ par an y seront consacrés sur le bassin. Dans un premier temps, 19 territoires à enjeux sont éligibles, dont le bassin versant de l’Arize en Ariège. Les PSE reconnaissent le « service rendu » par les exploitations agricoles retenues après audit, pour leurs efforts sur la préservation de la qualité de l’eau et des milieux aquatiques, la protection des sols et le soutien à la biodiversité.

Comment a été reçue l’expérimentation sur les PSE à l’échelle du bassin versant de l’Arize ? 

Nous avons dès le début fait le choix de jouer collectif : le PNR Pyrénées ariégeoises (coordinateur), le syndicat de bassin versant, la chambre d’agriculture de l’Ariège, le Civam Bio de l’Ariège, les élus communaux, etc. 
Nous avons eu des rencontres territoriales avec les auditeurs du dispositif PSE en septembre 2019, puis ensemble avec les agriculteurs en novembre 2019. A la suite de cela, 59 audits* ont été engagés et d’autres audits seront réalisés par la Chambre d’agriculture et le Civam Bio en 2020.

Certains agriculteurs n’auraient pu voir dans les PSE qu’une opportunité financière. Mais la plupart ont vu que cela allait bien au-delà. Le cahier des charges PSE invite à réfléchir son exploitation de manière structurelle, avec un prisme positif : quels sont les « services rendus » qui découlent ou pourraient découler de mon travail ?

L’approche sur l’agriculture est totalement inversée, nous ne sommes pas dans l’interdiction ou le punitif, c’est important. L’agriculture durable en est un levier stratégique.

Quels sont les intérêts pour le PNR à soutenir le dispositif PSE, en lien avec la protection de la ressource ?

L’approche PSE colle parfaitement à l’approche du PNR, qui a notamment pour mission de mixer préservation de l’environnement et développement économique. Le PNR mène déjà de nombreuses actions liées à la ressource en eau, que ce soit sur la préservation des zones humides, avec notamment un inventaire exhaustif soutenu par l’agence de l’eau, un programme local de mise en oeuvre de MAEC (Mesures agro-environnementales et climatiques), l’aménagement des berges en bordure de parcelle, etc. 
Avec le dispositif PSE, la qualité de l’eau est clairement prise en compte. L’approche va permettre d’aborder directement certaines questions. On peut notamment citer :

  • La gestion de l’abreuvement et le respect des cours d’eau pour éviter le piétinement par le bétail des berges et du lit des cours d’eau,
  • Le maintien des haies, pour favoriser la rétention des eaux sur les versants et conserver la biodiversité,
  • La gestion de la ressource en eau sur les côteaux séchants.

Comment envisagez-vous la suite des PSE, sur votre territoire ?

Une évolution est souhaitable à une échelle extra-locale, car il n’est pas possible réglementairement de cumuler les PSE avec d’autres dispositifs. Par exemple sur notre territoire, 4 exploitations pourtant éligibles au dispositif PSE ne peuvent en bénéficier, car elles ont contracté par ailleurs des MAEC. Or, les deux dispositifs ne répondent pas au même objectif. La MAEC est là pour compenser un manque à gagner par la mise en place d’un changement de pratiques et le PSE rémunère des services écosystémiques rendus par l’exploitation. Les aides à la conversion bio sont aussi concernées. Le fait de ne pas pouvoir cumuler des aides « PSE » et des aides « MAEC »pourrait desservir le bon déploiement à venir des PSE.

Le PNR des Pyrénées ariégeoises joue son rôle de laboratoire avec l’expérimentation PSE. Cette impulsion a d’autant plus de portée que nous l’avons donnée avec tous les acteurs du territoire. Avec les organismes agricoles nous sommes prêts à la diffuser plus largement : d’autres acteurs nous contactent déjà pour savoir quand ils pourront en bénéficier, comme dans le Couserans par exemple.

 

Le premier PSE sera signé le 28 février 2020, sur le Parc Naturel Régional Pyrénées ariégeoises.

*Trois indicateurs clés sont analysés lors des audits PSE des exploitations :

  • La présence de prairies, la diversité de cultures et les couverts végétaux (assolement),
  • L’extensification des pratiques agricoles (utilisation faible d’intrants),
  • La présence d’infrastructures agroécologiques (haies, lisières de bois, prairies humides…)